Qualité du millésime 2021

Lettre du 24 juin 2022.

 

Deux derniers crus (Vieux-Certan et Le Pin) de la famille Thienpont ont clôturé cette semaine les mises en marché des Bordeaux 2021 et, dorénavant, les Bordeaux 2021 quittent le giron des propriétés qui les ont fait naître et partent dans le monde entier à la conquête de leurs marchés. Nous gageons qu'ils trouveront aisément leur place par les qualités de fraîcheur, d'élégance et d'alcool modéré qui les différencient des derniers millésimes bordelais.
 
Le prix de tous étant maintenant connu, nous avons établi par catégorie la liste de nos Bordeaux rouges 2021 préférés (et recommandés) par catégorie, en tenant autant compte de leur réussite qualitative que de leur rapport qualité/prix. Ainsi, nous vous redonnons la liste des crus qui ont le plus baissé leur prix cette année (2021 vs 2020) :
 
- 15% : Léoville-Las Cases
- 12% : La Mission Haut-Brion
- 11% : Clarence de Haut-Brion, Montrose, Rocheyron, Le Dôme
- 10% : L'Église Clinet
-   9% : Rauzan-Ségla
-   7% : Chapelle de La Mission Haut-Brion, Léoville-Barton, Dragon de Quintus, Valandraud
-   6% : Quintus, Canon
-   5% : Smith Haut-Lafitte, Brane-Cantenac, Vieux Château Certan
 
nos préférés parmi les "1ers grands crus classés"(compter 500 € et plus)
Classement en valeur absolue, sans tenir compte du prix :
 
• rive gauche : Haut-Brion pour sa finesse veloutée et Lafite-Rothschild, le plus tendu et le plus racé du Médoc.
 
• rive droite : Cheval Blanc, inimitable avec ses cabernets francs, les plus beaux du millésime.
 
nos préférés parmi les "super-seconds" = les meilleurs exceptés les 1ers (entre 60 € et 250 €)
Un seul cru par appellation (s'il n'en fallait qu'un, ce serait celui-là...) :
 
• Pessac-Léognan : La Mission Haut-Brion (à moitié prix de Haut-Brion)
• Margaux : Brane-Cantenac (à 55 €, de loin le moins cher de cette catégorie)
• Saint-Julien : Léoville-Las Cases (la plus forte baisse de prix du millésime)
• Pauillac : Lynch-Bages (nous aurions pu nommer Pichon-Baron ou Comtesse mais la réussite de Lynch-Bages en 2021 est marquante)
• Saint-Estèphe : Montrose
 
• Pomerol : Vieux Château Certan
• Saint-Émilion : Clos Fourtet
 
nos préférés parmi les "crus classés" = les meilleurs après les 1ers et super-seconds (entre 30 € et 60 €)
Un seul cru par appellation :

• Pessac-Léognan : Domaine de Chevalier
• Margaux : Durfort-Vivens bio
• Saint-Julien : Lagrange
• Pauillac : Grand-Puy Lacoste
• Saint-Estèphe : Haut-Marbuzet

• Pomerol : Feytit-Clinet
• Saint-Émilion : Larcis-Ducasse
 
nos préférés parmi les "fonds de cave" = les meilleurs à moins de 30 €
Deux crus par appellation :
 
• Pessac-Léognan : Haut-Bergey bio, Haut-Bailly II
• Médoc : Poujeaux (Moulis), Sociando-Mallet (Haut-Médoc)
• Margaux : Tour de Mons, Baron de Brane
• Saint-Julien : Fiefs de Lagrange, Gloria
• Pauillac : Lacoste-Borie, Pédesclaux
• Saint-Estèphe : Meyney, Cos Labory
 
• Libournais : Dalem (Fronsac), Montlandrie (Côtes de Castillon)
• Pomerol : Mazeyres bio, Bellegrave bio
• Saint-Émilion : Côte de Baleau, Dragon de Quintus
 
Trois enseignements découlent de ces classements :
 
• la qualité des 2021 tenant davantage de l'application et du savoir-faire des hommes, toutes les appellations comptent de magnifiques réussites indépendamment des terroirs et des expositions.
 
• pour la même raison, les producteurs qui ont su parfaitement interpréter le millésime se retrouvent cités pour plusieurs de leurs vins. Par exemple :
- Jean-Philippe Masclef (maître de chai) : l'ensemble de la gamme Haut-Brion et Quintus, en rouge comme en blanc.
- Henri Lurton : Baron de Brane et Brane-Cantenac
- Matthieu Bordes (directeur) : Fiefs de Lagrange et Lagrange (nous aurions pu ajouter le blanc Arums de Lagrange)
- François-Xavier Borie : Lacoste-Borie et Grand-Puy Lacoste
- Matthieu Cuvelier : Poujeaux, Côte de Baleau, Clos Fourtet (nous aurions pu ajouter Les Grandes Murailles)
 
• dans ce millésime 2021 stylé, droit et tendu, nous avons constaté que les crus profonds, dotés d'un velouté et d'un charnu naturels, prennent l'avantage, tels Poujeaux, Lagrange, Lynch-Bages, Haut-Marbuzet, tous les Pomerol, Dragon de Quintus, Larcis Ducasse (nous aurions pu ajouter Malartic-Lagravière, Charmail, d'Issan, Léoville-Poyferré, Cos d'Estournel, Troplong-Mondot et tant d'autres crus dotés d'une richesse innée...).
 

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Lettre du 17 juin 2022.

 

Côté prix :même si la quasi totalité des crus de cette semaine a reconduit les prix de l'an dernier, nous réactualisons le tableau de la semaine dernière avec quelques nouveaux noms (soulignés) :
 
• prix en baisse marquée (prix 2021 en primeur par rapport à 2020 en primeur)
- 15% : Léoville-Las Cases
- 12% : La Mission Haut-Brion
- 11% : Clarence de Haut-Brion, Montrose, Rocheyron, Le Dôme
- 10% : L'Église Clinet

• prix en hausse marquée
+ 10% : Haut-Bergey, Chasse-Spleen, Sarget de Gruaud, Alcée
+ 12% : La Tour de Mons, Gruaud-Larose, Puyguéraud
+ 13% : Larrivet Haut-Brion, Clos du Marquis
+ 18% : Carillon d'Angélus
 
Le podium des podiums : tous les commentaires sur les Bordeaux 2021 étant parus, il est intéressant de recouper les notes des 6 critiques que nous suivons (La Revue du Vin de France, Jean-Marc Quarin, Michel Bettane dans En Magnum, Jacques Dupont dans Le Point, Antonio Galloni et Neal Martin dans Vinous) pour observer leurs concordances ou divergences.
 
Les systèmes de notes n'étant pas homogènes, nous avons pris leurs 10 (parfois un peu plus quand il y a des ex aequo) meilleurs Bordeaux rouges 2021. La première constatation est que leurs préférences couvrent toutes les appellations et qu'aucune n'est favorisée. En 2021, c'est le travail de l'homme qui prime, comme nous l'annoncions début mai.
 
Évidemment, les 1ers grands crus classés (ou assimilés) trustent les classements de chacun :
- cité 6 fois : Lafite-Rothschild et Cheval Blanc
- cité 5 fois : Margaux
- cité 4 fois : Haut-Brion, Mouton-Rothschild et Lafleur
- cité 3 fois : Ausone
- cité 2 fois : Latour et Petrus
 
Mais cette liste comporte également nombre de crus classés (ou non), prouvant mieux que tout commentaire leur volonté qualitative et la valeur de leurs équipes, à un prix nettement inférieur (pour certains dans un rapport de 1 à 10) :
- cité 4 fois : Calon-Ségur et La Conseillante
- cité 3 fois : Ducru-Beaucaillou et Léoville-Las Cases
- cité 2 fois : Les Carmes Haut-Brion, Palmer, Pichon-Baron, Cos d'Estournel, Vieux Certan, Canon et Figeac
- cité 1 fois : Haut-Bailly, Smith Haut-Lafitte, Domaine de Chevalier, d'Issan, Rauzan-Ségla, Brane-Cantenac, Lynch-Bages, Pichon-Comtesse de Lalande, Montrose, L'Évangile, Trotanoy, La Gaffelière, Beauséjour Bécot, Troplong-Mondot, Clos Fourtet, Pavie
 
Pour les Bordeaux blancs secs, nettement moins nombreux que les rouges, nous avons procédé de même en prenant les 3 meilleurs de chaque classement. Logiquement, Haut-Brion blanc prend la première place, mais il n'est pas seul :
- cité 6 fois : Domaine de Chevalier blanc et Haut-Brion blanc
- cité 4 fois : Smith Haut-Lafitte blanc et La Mission Haut-Brion blanc
- cité 2 fois : Pavillon Blanc
 
Vous retrouverez cette liste des plus grands blancs secs et rouges 2021 en cliquant sur l'onglet "Top du top" ci-dessus.
Enfin, pour les vins blancs liquoreux, un tel classement n'est pas significatif du fait du nombre de grands crus absents des dégustations en primeur (Yquem, Rieussec, Guiraud...).
 

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Lettre du 15 juin 2022. Hors Bordeaux

 

Parmi les producteurs non bordelais que nous sélectionnons, trois nous font chaque année le plaisir de proposer leur nouveau millésime en primeur en même temps que les Bordeaux :
 
Domaine Jean Chartron : atteignant -7°C par endroit, le gel des 6-7-8 avril 2021 a lourdement impacté la Côte de Beaune en général et le vignoble du domaine Chartron en particulier. Avec 60% de récolte en moins, Jean-Michel Chartron a décidé d'attendre la fin de l'élevage pour connaître exactement sa (maigre) production et exceptionnellement de la mettre en vente après la mise en bouteille. Rendez-vous à l'automne 2023.
 
Tardieu-Laurent : comme à Bordeaux, la Vallée du Rhône a connu en 2021 une météo rappelant celles des années 1980-2000, sensiblement plus fraîche et moins sèche que celles des derniers millésimes.
 
2021 a commencé par les fortes gelées de début avril, touchant sévèrement les cépages blancs plus précoces (notamment à Condrieu) ainsi que le vignoble septentrional (jusqu'à 80% de dégats en Côte-Rôtie). Puis un été sans chaleur prononcée, assez arrosé en juin et juillet (pression du mildiou) mais plus sec que la norme en août et septembre, donnant des maturités lentes et des vendanges très étalées dans le temps, de fin aout jusqu'à la mi-octobre.
 
Rhône vins blancs : Crozes-Hermitage, Saint-Joseph, Condrieu et Châteauneuf-du-Pape.
Incontestablement, 2021 est un millésime fait pour les cépages blancs (quand ils ont réchappé au gel). Les vins ont un excellent état sanitaire, une fraîcheur acidulée et des maturités sans excès soutenues par des pH bas. Des vins plus aériens et moins solaires que les précédents, au potentiel de garde assuré. Rare Condrieu (demi-récolte) et une nouveauté cette année : le Saint-Joseph blanc, 85% marsanne, 15% roussanne et seulement 13° d'alcool (comme le Crozes-Hermitage blanc).
 
Rhône nord vins rouges : Crozes-Hermitage, Saint-Joseph, Cornas, Côte-Rôtie et Hermitage.
2021 nous rappelle 25 ans plus tard le millésime 1996 par sa minéralité, ses faibles degrés (aucune cuvée ne dépasse 13°) et son potentiel de garde (attendre 5 à 10 ans minimum avant de les apprécier, le temps que leur vivacité s'assagisse). Les syrahs ont donné des vins vifs et croquants, élégants et subtils, le travail de Michel Tardieu ayant consisté à les élever sur lies pour mieux les enrichir et les adoucir. Comme à chaque millésime de fraîcheur, c'est le coteau solaire d'Hermitage qui a donné le meilleur résultat, tant en quantité (peu gelé) qu'en qualité. La cuvée de Cornas Vieilles Vignes n'a pas été produite en 2021, les seules 3 barriques produites ayant été repliées en simple Cornas.
Rhône sud vins rouges : Côtes du Rhône, Rasteau, Vacqueyras, Gigondas, Châteauneuf du Pape.
Aucun souci climatique particulier en Rhône sud (pratiquement pas de dégâts dus au gel, mildiou quasi absent) si ce n'est la lenteur des maturités. Les vignerons devaient avant tout être patients pour ramasser sans hâte et à bonne maturité leurs différents cépages, ce qui fut relativement aisé pour les grenaches, plus compliqué pour les mourvèdres. Les vins sont assez clairs, expressifs (arômes fruités frais), moyennement corsés, moins alcoolisés que d'habitude (environ un degré de moins), sur des structures tanniques souples. Les 2021 sont moins sudistes que d'ordinaire, à l'image du millésime 2015. Michel Tardieu a augmenté la proportion de grenache sur toutes ses cuvées, avec un coup de cœur pour les deux "cuvées spéciales" (Côtes-du-Rhône et Châteauneuf du Pape) et le Gigondas Vieilles Vignes.
 
Provence vin rouge : Bandol.
Quand sa maturité est inachevée, le mourvèdre produit des vins d'une austérité redoutable. En 2021, il n'y a que sur son terroir de prédilection de Bandol que le mourvèdre a pu donner des résultats convaincants. Celui de Michel Tardieu est frais, racé, avec une belle tension sur une assise tannique présente mais veloutée.
 
Côté prix : avec 4% de hausse moyenne cette année, les producteurs rhodaniens n'ont pas répercuté dans leurs prix les pertes inhérentes au millésime 2021. Incontestablement, la Vallée du Rhône reste une valeur aussi sûre qu'économique pour la cave de tout amateur européen. Pour mémoire, nous proposions en Primeurs 1995 le Châteauneuf du Pape rouge Vieilles Vignes de Tardieu-Laurent exactement au prix de Léoville-Poyferré. 26 ans après, nous proposons ce même Châteauneuf 2021 60% moins cher que Léoville-Poyferré 2021.
 
Dominio de Pingus : Peter Sisseck, toujours à la recherche de la fraîcheur et de la légèreté dans ses vins, s'est grandement réjoui du millésime 2021 en Ribera del Duero, avec un été aux journées normalement chaudes et des nuits exceptionnellement fraîches (6,3°C le 13 juillet, 6,7°C le 8 août, 6,2°C le 19 septembre).
 
PSI : s'étendant sur une dizaine de communes, le vignoble morcelé de PSI permet à Peter Sisseck de moduler son assemblage au gré des circonstances du millésime. En 2021, PSI est produit sur les meilleurs sols calcaires (apport régulier en eau), en moyenne à 900 m d'altitude, avec 10% de grenache et 90% de tempranillo.
 
Flor de Pingus : peu de changement si ce n'est l'ajout de 4% de grenache et l'utilisation de grands foudres en bois (1500 l) pour un élevage plus doux (cette utilisation de grands foudres sera à terme également employée pour le grand vin Pingus). Pour une fois, Flor de Pingus a une robe moins colorée que celle de Pingus mais offre pour autant une sensation de luxuriance en bouche.
 
Pingus : couleur profonde (mais pas noire), magnifique équilibre entre une acidité élevée et des tanins riches. Comme l'extraction de la couleur, des arômes et des tanins était spontanée, les fermentations ont été conduites à basse température (22°C) avec trois fois moins de remontages (pompage du bas de cuve pour asperger le chapeau de marc en haut de cuve) afin de conserver toutes les qualités de fraîcheur et de fruit du millésime. Pour Peter Sisseck « Pingus 2021 est une relecture du grand Pingus 2000 ».
 
Côté prix : 7,5% d'augmentation pour Flor et Pingus, 10% d'augmentation pour PSI (qui, à moins de 20,00 € HT la bouteille, reste un exceptionnel rapport qualité/prix).
 

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Lettre du 10 juin 2022.

 

Les crus classés qui cartonnent : par conscience écologique et suite aux difficultés d'approvisionnement, nous voyons cette année plusieurs crus classés bordelais abandonner définitivement la traditionnelle caisse bois au profit du conditionnement en caisse carton. Il est vrai que le carton offre de nombreux avantages : recyclable, plus économique (moitié moins cher que la caisse bois équivalente), facilement disponible, moins lourd, moins fragile,  imprimable et personnalisable sur toutes ses faces y compris intérieures...
 
Ainsi, les crus classés Latour-Martillac, Malescot-Saint-Exupéry, Durfort-Vivens, Langoa-Barton et Barde-Haut livreront leur 2021 en caisse carton et nous sommes convaincus que la majorité des crus classés suivra ce mouvement dans les prochains millésimes, la caisse bois restant à terme l'apanage des plus grands crus ou des coffrets spéciaux.
 
Dans le même esprit, plusieurs châteaux réfléchissent à la suppression des capsules métalliques. À suivre...
 
Statut quo : suffisamment de Bordeaux rouges sont maintenant offerts pour connaître la tendance du prix des 2021. Ou plutôt l'absence de tendance.
 
Les notes et commentaires des critiques placent logiquement les (bons) 2021 un cran en dessous des (grands) 2020. Dans ces conditions, le prix des 2021 aurait pu être en baisse par rapport à celui de l'an dernier. À l'opposé, la forte baisse des rendements en 2021 et les nombreuses tensions inflationnistes actuelles (évoquées dans la newsletter de la 1ère semaine) auraient pu justifier une hausse.
 
Pour preuve de la perplexité ambiante, nous avons vu en début de campagne la mise en marché des vins de Léoville-Las Cases, avec une baisse de 15% pour le Grand Vin et une hausse de 13% pour le second vin Clos du Marquis.
 
Sans orientation de marché clairement définie et devant les incertitudes économiques mondiales, la majorité des producteurs de grands crus a, dans le doute, décidé de reconduire à l'identique les prix de l'an dernier (en remarquant que le prix de leur 2020 s'était depuis apprécié de 10% à 20%).
 
Ce statut quo généralisé connaît cependant des variations selon les crus dont voici les plus notables (à ce jour) :
 
• prix en baisse (prix 2021 en primeur par rapport à 2020 en primeur)
  - 15% : Léoville-Las Cases
  - 11% : Montrose, Rocheyron
 
• prix en hausse
  + 10% : Haut-Bergey, Chasse-Spleen, Alcée
  + 12% : La Tour de Mons, Puyguéraud
  + 13% : Larrivet Haut-Brion, Clos du Marquis
  + 18% : Carillon d'Angélus
 

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Lettre du 3 juin 2022.

 

Short list : avec Haut-Bergeron et Suduiraut proposés cette semaine, nous clôturons déjà notre courte liste de liquoreux 2021 en primeur. Sélection d'autant plus raccourcie que :
- des crus n'ont rien produit en 2021 (Climens...),
- des crus ont décidé de reporter à la mise en bouteille la mise en vente de leur minuscule production 2021 (Guiraud...),
- des crus ont proposé leur vin en primeur, mais dans une infime quantité (Clos Haut-Peyraguey, Doisy-Daëne, Coutet, Suduiraut...) quasi immédiatement épuisée,
- des crus ne vendent plus leur vin en primeur (Yquem, Rieussec...).
Ceci malheureusement dans un millésime 2021 digne des plus grands éloges, mais que peu auront la chance de goûter.
 
Douze degrés deux : pour les Bordeaux rouges, 2021 se distingue des millésimes précédents par ses moindres degrés alcooliques, majoritairement compris entre 12°5 et 13°5, 12°2 constituant le record à notre connaissance. Ces degrés maîtrisés ont été acquis grâce à un été sans canicule et à des assemblages privilégiant les cabernets. Un faible degré alcoolique sur une maturité aboutie est le gage de vins fins, équilibrés, délicats et digestes, destinés à vieillir harmonieusement.
Nous avons établi un palmarès (non exhaustif) des degrés annoncés par les châteaux dont l'assemblage est déjà figé. Voici quelques-uns des moins élevés :
 
Rive gauche
- 12°2 : G d'Estournel
- 12°5 : Clos Floridène, Larrivet Haut-Brion, Gruaud-Larose, Pagodes de Cos
- 12°6 : Lafite-Rothschild
- 12°7 : du Retout, Brane-Cantenac, Cos d'Estournel
- 12°8 : Malartic-Lagravière, Sarget de Gruaud, Connétable de Talbot, Talbot
- 12°9 : Grand Puy Lacoste, Duhart-Milon, Pichon-Baron, Pichon-Comtesse, Cos Labory, Calon Ségur
 
Rive droite
- 12°4 : La Clotte
- 12°7 : Chapelle d'Ausone, Ausone
- 12°9 : Peyrou, Petit Gravet Aîné, Clos Saint-Julien
- 13°0 : Fugue de Nénin, Mazeyres, Canon-La Gaffelière
- 13°2 : Vieux-Château-Certan, Dragon de Quintus
- 13°3 : Nénin, La Conseillante, Cheval Blanc
 

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Lettre du 27 mai 2022. Bordeaux rouges : quels prix ?

 

Tous les facteurs se conjuguent aujourd'hui pour tendre le cours des grands vins, qu'ils soient de Bordeaux ou d'ailleurs :

• la hausse continue du prix des derniers millésimes mis en marché. Les Bordeaux 2020 et 2019, proposés il y a 1 et 2 ans, ont rejoint le prix des 2018 alors qu'ils étaient en primeur respectivement 15% et 25% moins chers,

• la baisse de production du vignoble girondin en 2021(-23% à l'échelle de la France), après plusieurs millésimes peu abondants voire faibles,

• la faiblesse actuelle de l'euro vis-à-vis du dollar, qui a perdu 16% de sa valeur en un an (un euro valait 1,22 dollar en mai 2021 contre 1,05 dollar en mai 2022), rendant les vins de Bordeaux 16% moins chers aux U.S.A. et dans toutes les contrées corrélées au dollar (Canada, Hong-Kong, Singapour, Corée...),

• la hausse des coûts de revient, en relation avec le prix de l'énergie et des matières sèches,

• le retour de l'inflation dans l'économie mondiale, sur fond de pénuries et crises internationales (Covid en Chine, guerre en Ukraine...).

Pour les crus les moins huppés et les moins aisés financièrement, nous n'espérons pas une baisse de prix (sinon symbolique) l'année où leur production est amputée d'un quart.

Pour les crus les plus recherchés, nous nous attendons à des baisses pondérées par les 5 points ci-dessus. La mise en marché cette semaine de Léoville-Las Cases (en baisse de 15%) est un signal encourageant. Sera-t-il suivi par d'autres ?
 

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Lettre du 20 mai 2022. Informations générales

Après 6 millésimes consécutifs marqués par des étés très chauds et secs (de 2015 à 2020, en incluant volontairement 2017 à peine moins chaud mais tout aussi sec que ses voisins), 2021 nous offre un véritable retour aux sources, sous une météo des plus classiques, alternant les périodes chaudes et fraîches, sèches et pluvieuses.

Réchauffement climatique aidant, nous voyons bien que peu à peu le climat change, que l'exceptionnel devient normal tandis que la norme devient exceptionnelle. Ce sont peut-être ces millésimes au profil océanique, tel 2021, qui deviendront dans une ou deux décennies les plus recherchés (?).

 

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Bordeaux 2021 : la météo en Gironde

Quatre faits marquants ont ponctué le cycle végétatif de la vigne en 2021 et façonné le millésime :

• Un gel sévère début avril. Avec des températures descendues à -5°C au matin des 7 et 8 avril, toutes les appellations ont été durement mais inégalement touchées selon l'exposition des parcelles et la précocité du débourrement des vignes. Un exemple avec la famille Barton : Langoa et Léoville, à moins d'1 km de l'estuaire, n'ont subi, sans protection particulière (bougies, éolienne, etc.), aucun dégât alors que Mauvesin, à Moulis à 10 km à vol d'oiseau de l'estuaire et dûment protégé, a été gelé à 50%.

• Juillet et août secs mais continuellement frais, avec chaque mois un déficit de 1,2°C par rapport à la moyenne trentenaire et aucun jour caniculaire (température supérieure à 35°C). Il faut remonter à 2014 pour retrouver un été à peine plus frais.
 
• Quatre épisodes pluvieux (8, 14, 18 septembre et 3 octobre) pendant les vendanges. Il ne s'agissait pas de perturbations atlantiques installées mais de passages orageux, ponctuellement intenses mais brefs, un à deux jours tout au plus. Pour éviter ces orages, il suffisait d'arrêter les vendanges ces jours-là.
 
• Un très bel été indien, phénomène traditionnel en Aquitaine au début de l'automne. Le mois d'octobre 2021 fut magnifique, plus chaud (20,3°C au lieu de 19,4°C en moyenne), moins arrosé (32 mm de pluie au lieu de 93 mm) et 40% plus ensoleillé (206 h de soleil au lieu de 147 h).

La première conséquence de ce scénario météorologique est quantitative : la récolte 2021 a été historiquement basse à Bordeaux (comme sur toute la France), avec une perte de volume de 27% sur l'ensemble des AOP girondines, suite au gel d'avril, aux attaques de mildiou pendant mai et juin très humides, et aux dégâts d'une succession d'orages fin juin. 2021 a mis les viticulteurs à la portion congrue.

 

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Bordeaux 2021 blancs secs : superbe millésime

Avec un été plutôt frais et sans période caniculaire, 2021 se présentait logiquement comme un millésime idéal pour l'élaboration de grands vins blancs secs bordelais.

La maturation des sauvignons et sémillons fut lente et sans à-coups tandis que l'état sanitaire des raisins était impeccable grâce à août moitié moins arrosé que d'habitude (29 mm de pluie au lieu de 56 mm en moyenne).

La fraîcheur et la tonicité étant acquise, les viticulteurs purent se concentrer sur la parfaite maturité aromatique des raisins blancs pour déclencher les vendanges. Celles-ci eurent lieu sereinement entre le 28 août et la mi-septembre (15 jours plus tard qu'en 2020), en évitant soigneusement les averses des 8 et 14 septembre.

Comme attendu, les volumes sont partout faibles, plus souvent entre 30 hl/ha et 40 hl/ha sauf dans quelques vignobles protégés (les Pessac-Léognan les plus proches de l'agglomération bordelaise ou la pointe nord du Médoc).

Après 6 mois d'élevage en barrique, les dégustations de blancs secs sont enthousiasmantes, les 2021 étant remarquables dans tous les registres : pureté, précision et intensité aromatique, maturité, richesse et longueur en bouche. Le tout soutenu par une vive acidité, gage d'une belle évolution en bouteille et d'un potentiel de garde assuré.

La réussite particulière des blancs en 2021 s'explique par l'association inédite de la tension typique d'une année fraîche et de la richesse de texture rencontrée en année chaude. Pour schématiser, les blancs 2021 possèdent la vivacité des 2017 et l'ampleur aromatique des 2018.

 

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Bordeaux 2021 blancs liquoreux : millésime exceptionnel (mais rageant)

Perdre l'essentiel de sa récolte dès les premiers jours de printemps est décourageant pour tout viticulteur. Mais quand la météo du reste de l'année se révèle optimale pour réaliser des vins glorieux, la frustration est à son comble.

La gelée début avril a durement touché le vignoble sauternais, d'autant plus douloureusement que les cépages blancs avaient entamé leur cycle végétatif avec 15 jours d'avance. Avec les orages de grêle fin juin emportant le peu de raisin restant, la production 2021 de vins blancs liquoreux est infinitésimale : les rendements sont partout inférieurs à 10 hl/ha, et même inférieurs à 1 hl/ha (!) à Suduiraut.

À partir de début juillet, l'enchaînement des séquences météo s'est avéré éminemment favorable pour les liquoreux :

- la maturité acquise dans une grande régularité en juillet et août avec à la clé, comme pour les vins blancs secs, fraîcheur et intensité aromatique,
- les pluies espérées qui arrivent par vague les 8, 14 et 18 septembre juste au moment où les raisins sont mûrs et sains,
- l'été indien qui dure ensuite tout le mois d'octobre, laissant le temps d'assécher les raisins, de voir un botrytis pur gagner le vignoble puis initier la concentration en sucres,
- malgré l'extrême minceur de la récolte, les grands crus du Sauternais ont tenu à effectuer plusieurs tries, les plus qualitatives étant celles de la mi-octobre (entre le 10 et le 19).

Indépendamment de leur pureté et de leur complexité aromatique, ce qui rend les Sauternes 2021 si brillants, si savoureux et si vibrants est la trame acide qu'ils possèdent en contrepoint de leur concentration en sucre. Cette acidité donne des fins de bouche aériennes, délicates, ciselées et le parallèle avec le grandissime millésime 2001 peut être fait, la quantité en moins.

Une fois de plus, nous ne pouvons que louer l'acharnement des viticulteurs du Sauternais à élaborer des joyaux liquoreux, acharnement bien mal récompensé dans les derniers millésimes.

 

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Bordeaux 2021 rouges : retour au classicisme...

Bordeaux a retrouvé en 2021 le climat typique du sud-ouest français, celui qui prévalait au siècle dernier et que nous pouvons craindre de voir disparaître :

- amplitudes thermiques modérées journalières (jour/nuit) et saisonnières (hiver/été),
- perturbations atlantiques réparties tout au long de l'année,
- intersaisons tempérées mais très changeantes (gel, neige, orages, tempêtes...),
- belle arrière-saison automnale (été indien) en octobre/novembre.

 Le millésime 2021 a exactement réuni toutes ces caractéristiques, certaines favorables pour la vigne, d'autres moins :

- défavorable. Le gel début avril, annihilant une partie des volumes et obligeant la vigne à développer des bourgeons secondaires à maturité décalée (vendanges hétérogènes),
- défavorable. Les fortes pluies de mai et juin, générant une forte pression du mildiou et compliquant la tâche des viticulteurs, surtout ceux en bio.
- favorable. La maturation lente et sans stress en juillet et août.
- défavorable. Les pluies de septembre, venant perturber les vendanges des merlots précoces.
- favorable. L'été indien d'octobre, permettant sans hâte d'attendre la maturité accomplie des cabernets
francs et cabernets-sauvignons.

Le principal inconvénient d'un millésime classique est que l'intervention de l'homme y est décisive, pour exploiter au mieux toutes les qualités potentielles et corriger les imperfections inhérentes. En ce sens, 2021 a été exigeant pour tous les viticulteurs et sur toutes les appellations, demandant une attention de tous les instants (de mars à octobre), un savoir-faire expérimenté (interpréter un millésime opposé aux précédents), des équipes fournies et réactives (lutte contre les maladies), une bonne dose de sang-froid (choix avisé des dates de vendanges) et des moyens financiers importants (tri de la vendange et sélection drastique des lots).

Le grand avantage de 2021 est de revenir aux fondamentaux bordelais : élaborer des vins rouges fins, élégants et digestes, délicats et corsés, sans dureté ni rusticité. Les Bordeaux ne sont ni les plus tanniques, ni les plus riches, ni les plus vigoureux mais ils ont un équilibre, une complexité et une longévité qui ont fait leur réputation à travers le monde.

 

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Bordeaux 2021 rouges : ... mais un classicisme moderne

Depuis 20 ans, les grands crus de Bordeaux ont acquis une connaissance, un matériel technique et une compétence (parfois au prix de leurs erreurs passées) prodigieuses. Nous sommes aujourd'hui loin du temps où les viticulteurs s'attachaient à faire le plein (= atteindre le rendement maximum autorisé) puis essayer de faire bon, ou du temps (années 1990-2000) où, en vue d'obtenir la meilleure note chez Parker, il fallait concentrer et boiser à l'excès les millésimes classiques.

Dans les grands crus, le défi a été en 2021 de tirer le meilleur parti des qualités naturelles d'élégance et de raffinement du millésime, et d'apporter en complément moelleux, profondeur et soyeux des tanins, le tout avec des taux d'alcool le plus souvent situés entre 12,5° et 13,5°. Pour cela, ils ont dû :

• attendre la pleine (et tardive) maturité phénolique des raisins. Aisée pour les cabernets, ramassés en octobre sous le bel été indien, nettement plus délicate pour les merlots mûrs et vendangés entre les passages pluvieux de septembre.

• vinifier en douceur, c'est-à-dire infuser plus qu'extraire (moins de pigeages et remontages en cuve), conduire la fermentation alcoolique à basse température, éventuellement chaptaliser de 0,3° à 0,5° (car l'alcool participe à la sensation de gras et de rondeur).

• élever avec tact, en diminuant la proportion de barriques neuves et le degré de chauffe des barriques, ou en utilisant de grands contenants (barriques de 400 l et plus).

Sous ces conditions, 2021 ressemble aux beaux millésimes classiques 2014 et 2008, en plus précis, plus velouté, plus séduisant. Et sûrement de très belle garde.

 

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Bordeaux 2021 rouges : quels sont les meilleurs choix ?

Rive gauche ou rive droite ?

Comme évoqué plus haut, 2021 dépend des hommes plus que du terroir, ce qui explique la grande hétérogénéité du millésime. Nous avons vu des propriétés voisines, disposant du même terroir et du même encépagement, obtenir des 2021 radicalement opposés. C'est la juste perception du millésime et les moyens techniques mis en œuvre qui font la différence. Ainsi que les moyens financiers car, pour réussir un grand 2021, il fallait nécessairement être prêt à éliminer tous les lots insatisfaisants. Décision toujours difficile à prendre, a fortiori dans un millésime peu productif.

Merlot ou cabernets ?

La réponse est simple : les cabernets, francs et sauvignons, ont clairement mieux réussi en 2021 que les merlots, ce que reflètent parfaitement les assemblages avec une proportion moindre de merlots et accrue de cabernets. Au point que certains Médoc sont quasi mono-cépage en 2021 : 98% de cabernet-sauvignon à Ducru-Beaucaillou, 97% à Durfort-Vivens, 96% à Lafite-Rothschild...

Petits châteaux ou grands crus ?

L'adage bien connu conseillant d'acheter les petits châteaux dans les grands millésimes et les grands crus dans les petits millésimes n'est pas totalement vrai cette année. Nos dégustations ont prouvé combien le fait d'écarter les lots défectueux (il y en avait même chez les plus grands) était la clef de la réussite. En 2021 :

- les grands crus sont un choix évident,

- les seconds vins si... le château fait également un troisième vin,

- les premiers vins des crus bourgeois et non classés si... le château fait un second vin ou si le château est rattaché à un grand cru disposant de moyens techniques, financiers et humains importants. Potensac, cru bourgeois appartenant à Léoville-Las Cases et disposant d'un second vin (La Chapelle de Potensac) en est un brillant exemple.

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