Infos millésime 2022

Lettre du 30 juin 2023.

Parlons prix !
 
Tous les Bordeaux 2022 étant connus, il est maintenant possible de les classer par prix et de distinguer les plus raisonnables comme les plus audacieux.
 
En préambule, nous préférons comparer les prix des 2022 avec celui des 2020 en primeur, 2020 étant le plus proche en style et qualité parmi les derniers millésimes bordelais. De plus, en prenant les données INSEE, la hausse du coût de la vie sur les deux dernières années (mars 2021-mars 2023) s'élève à 10,4%.
 
Pour les 159 Bordeaux rouges 2022 de notre sélection, l'augmentation moyenne de 2020 à 2022 s'élève à +18,2% (soit +7,8% en tenant compte de l'inflation entre-temps).
 

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Les plus raisonnables
 
• 35 crus dont l'augmentation de prix 2020/2022 est inférieure à l'inflation (donc 'moins chers' en euros constants en 2022 qu'en 2020) :
 
   -1% : Les Fiefs de Lagrange, La Dominique
    0% : Pape-Clément rouge, La Tour Carnet, La Violette
  +3% : Fombrauge
  +4% : Petit Manou, Connétable de Talbot, Rocheyron
  +5% : La Mission Haut-Brion, Lousteauneuf, Madame de Beaucaillou, Carruades de Lafite
  +6% : Sarget de Gruaud bio, Léoville-Barton
  +7% : Baron de Brane, Lacoste-Borie, Le Petit Mouton, La Mauriane bio, Haut-Carles, Clos Louie bio
  +8% : Clos Manou, Puyguéraud, Clos Puy Arnaud bio
  +9% : Pavillon Rouge, Réserve de Pichon-Comtesse, Duhart-Milon, La Mondotte bio
+10% : Larrivet Haut-Brion, La Chapelle de la Mission Haut-Brion, Le Clarence de Haut-Brion, du Retout, Les Griffons de Pichon Baron, La Vieille Cure, Les Cruzelles
 
Cette liste regroupe aussi bien les crus les plus modestes que certains grands crus parmi les plus prestigieux (Pape-Clément, La Mission Haut-Brion, Léoville-Barton, Duhart-Milon, La Violette).
 
La bonne surprise est la présence d'un grand nombre de seconds vins de (très) grands crus :Petit Manou, Les Fiefs de Lagrange, Connétable de Talbot, Baron de Brane, Sarget de Gruaud, Lacoste-Borie, Les Griffons de Pichon-Baron, Réserve de Pichon-Comtesse, La Chapelle de la Mission Haut-Brion, Le Clarence de Haut-Brion, Pavillon Rouge, Petit Mouton, Carruades de Lafite.
 
Compte tenu de la haute qualité des seconds vins en 2022 (déjà évoquée dans la newsletter du 10 juin), ces seconds vins devraient être un choix prioritaire dans la sélection de tout amateur désireux d'emplir à bon compte sa cave d'excellents Bordeaux.
 

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Les plus audacieux
 
• 22 crus dont l'augmentation de prix 2020/2022 est supérieure à +25% :
 
+26% : Durfort-Vivens bio, Pibran, Pédesclaux bio, Barde-Haut
+27% : Rauzan-Ségla, Branaire-Ducru, Domaine de l'A
+28% : Pichon-Comtesse de Lalande
+29% : Cos Labory
+30% : Léoville-Las Cases, Larcis Ducasse
+31% : Calon-Ségur
+34% : Les Carmes Haut-Brion
+36% : Mazeyres bio, Carillon d'Angélus
+37% : Clos l'Église
+39% : Angélus
+42% : La Conseillante, Troplong-Mondot
+63% : Clos du Marquis, Figeac
 
Sans surprise, cette liste compte les grands noms sur le devant de la scène médiatique bordelaise, mais aussi ceux souhaitant repositionner leur prix à la faveur d'un grand millésime (Branaire-Ducru, Pibran, Cos Labory, Domaine de l'A, Mazeyres).
 
Absents de ce classement, les crus habituellement les plus chers de Bordeaux (Lafite, Mouton, Margaux, Haut-Brion, Ausone, Cheval Blanc, Le Pin) mais qui ne sont pas cette année les plus haussiers.
 

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Lettre du 23 juin 2023.

Blancs 2022 : nos favoris
 
Tous les Bordeaux 2022 étant maintenant connus, nous vous donnons ci-après la liste de ceux qui, pour nous, représentent les meilleures opportunités de cette campagne primeur, selon leur niveau qualitatif et leur positionnement prix vis-à-vis de leurs pairs.
 
Bordeaux blancs secs
 
Parmi les 16 crus retenus en 2022, Clos Floridène pour son élégance et Doisy-Daëne sec pour son ampleur aromatique sont comme toujours deux incontournables premiers prix. À l'autre bout de l'échelle, Domaine de Chevalier, avec la richesse et le gras du millésime 2022 venant contrebalancer sa vivacité et son énergie naturelles.
 
Bordeaux blancs liquoreux
 
Nous aurions aimé citer Climens en exemple pour son grand retour après 5 ans d'absence mais son nouveau positionnement prix nous retient. Entre les 6 crus de notre courte sélection 2022, tous sont hautement recommandables mais nous saluons particulièrement la formidable performance de Suduiraut.
 

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Rouges 2022 : nos favoris

En rouge, notre sélection 2022 comprend 159 Bordeaux, que nous scindons en 3 tiers de taille équivalente :
 
Bordeaux rouges de 9 à 36 € TTC la bouteille (55 crus)
 
- Graves / Pessac-Léognan : Latour-Martillac, Carbonnieux
- Médoc / Moulis : Mauvesin-Barton, Potensac
- Margaux : La Gurgue bio, Baron de Brane
- Saint-Julien : Sarget de Gruaud bio, Le Petit Ducru de Ducru-Beaucaillou
- Pauillac : Lacoste-Borie
- Saint-Estèphe : Meyney, Cos Labory
 
- Rive droite / Libournais : Peyrou bio, La Dauphine bio, Les Cruzelles
- Pomerol : Fugue de Nénin
- Saint-Émilion : Côte de Baleau, Fombrauge
 
Bordeaux rouges de 36 à 90 € TTC la bouteille (52 crus)
 
- Graves / Pessac-Léognan : Haut-Bailly II, Pape-Clément
- Médoc / Moulis : Sociando-Mallet
- Margaux : Cantenac-Brown, Malescot Saint-Exupéry
- Saint-Julien : Gloria, Lagrange
- Pauillac : Réserve de Pichon-Comtesse, Duhart-Milon
- Saint-Estèphe : Haut-Marbuzet, Pagodes de Cos

- Pomerol : Mazeyres bio, Feytit-Clinet
- Saint-Émilion : Petit-Gravet Aîné bio, La Dominique
 
Bordeaux rouges de 90 à 2940 € TTC la bouteille (52 crus)
 
- Graves / Pessac-Léognan : Haut-Bailly, La Mission Haut-Brion
- Margaux : Pavillon Rouge, Palmer bio
- Saint-Julien : Gruaud-Larose bio, Léoville-Las Cases
- Pauillac : Pontet-Canet, Lynch-Bages
- Saint-Estèphe : Cos d'Estournel

- Pomerol : Gazin, Vieux Château Certan
- Saint-Émilion : Pavie-Macquin, Clos Fourtet (et Cheval-Blanc mais maintenant épuisé)
 
Cette liste, reflet de nos dégustations et de notre appréciation tarifaire, est forcément partiale et volontairement limitée. Mais 2022 est assurément un grandissime millésime, qui plus est réussi sur toutes les appellations et tous les terroirs de Gironde. Le choix est donc on ne peut plus vaste cette année.
 
Le conseil le plus pertinent pour guider votre sélection cette année est qu'il faut avant toute chose faire confiance à l'équipe en place au Château car, aussi grand soit le millésime, c'est bien le travail et le talent des hommes qui font la différence.
 

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Lettre du 17 juin 2023.

Entrants et sortants
 
Afin de vous proposer chaque année la plus pertinente liste des Bordeaux en primeur, nos sélections ne sont pas intangibles et systématiquement reconduites d'année en année mais au contraire évoluent selon la réussite qualitative et le prix de chacun vis-à-vis de ses pairs.

Même le socle fondamental, constitué des plus grands Bordeaux aux mains des meilleures équipes, est amené à changer, au gré d'une cession, d'un changement de politique commerciale ou de nouvelles ambitions tarifaires.
 
Pour ce millésime 2022, ce sont 9 crus qui entrent ou reviennent dans nos sélections et 4 qui disparaissent :
 
les entrants

- Rayne-Vigneau. 1er cru classé en plein renouveau depuis 2015 (fin de la période Crédit Agricole et arrivée du nouveau propriétaire M. Rémy Smith).
- Climens bio. Comme pour Rayne-Vigneau : nouveau propriétaire (M. Moitry) et nouvelles ambitions qualitatives dès le premier millésime 2022, avec la volonté de redevenir le plus désirable des Sauternes après Yquem.
- Palmer bio. Soyeux superlatif, réussite exceptionnelle saluée par tous, un grand Palmer est né en 2022. Prix en conséquence.
- Lafon-Rochet. Racheté en 2021 par M. Lorenzetti (Issan, Pédesclaux, Lilian-Ladouys), une nouvelle ère faste s'ouvre à Lafon-Rochet, avec Jean-Claude Berrouet (ex Petrus) comme consultant. Vu le travail accompli à Pédesclaux, nous sommes très confiants dans l'avenir de Lafon-Rochet.
- Phélan-Ségur. Convaincus par la qualité de ses derniers millésimes, ce grand Saint-Estèphe historique, que nous n'avions plus retenu depuis 2006 (départ de M. Gardinier), revient dans nos colonnes avec un 2022 en tous points remarquable. Ici aussi, l'avenir s'annonce radieux.
 
- le retour de 4 crus de la rive droite, régulièrement sélectionnés mais absents des primeurs l'an dernier du fait de trop faibles volumes produits (gelées d'avril)  :
   - La Vieille Cure (Fronsac)
   - Louison et Léopoldine bio et Domaine de l'A (Côtes de Castillon)
   - Moulin Saint-Georges (Saint-Émilion).
 
les sortants

- Clos Haut-Peyraguey : absence temporaire cette année dans nos listes, en raison d'une minuscule récolte (moins de 800 caisses).
- Clémentin de Pape-Clément : nous ne proposons plus le second vin de Pape-Clément en primeur mais il apparaîtra dans nos catalogues après mise en bouteille.
- Les Grandes Murailles : ce grand cru classé de Saint-Émilion a disparu, les 2 ha de son vignoble ayant été englobés à partir de 2022 dans ceux de Clos Fourtet (même propriétaire).
- Le Dôme (Maltus) : avec un prix de vente de 249,60 € TTC la bouteille, soit 41% d'augmentation par rapport à l'an dernier, d'autres choix s'imposent à notre avis à Saint-Émilion (La Mondotte, L'If...).
 

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Lettre du 10 juin 2023.

2022 au-dessus de tous ?
 
Les critiques français comme internationaux sont tous plus que dithyrambiques dans leurs rapports sur les Bordeaux 2022, au point de faire passer ce millésime avant tous les autres (le 'best ever' en quelque sorte).
 
Jean-Marc Quarin avait ouvert le bal en déclarant dès le 7 avril dernier « C'est factuel et unique : 80 % des vins [Bordeaux 2022] que je goûte sont les meilleurs jamais faits ».
 
Les autres critiques ont suivi le mouvement tels :
 
- La Revue du Vin de France « Primeurs de Bordeaux : et si 2022 était le plus grand ? »
ou
- Michel Bettane « Après 45 ans de suivi régulier des vins de Bordeaux, je ne crois pas avoir déjà vu naître un aussi grand millésime ».
 
Il est certain que la météo 2022 fut absolument hors norme, tant dans ses chiffres (ensoleillement, température, sècheresse) que dans sa chronologie (4 mois à l'unisson, de juin à septembre inclus).
 
Il est tout aussi certain que les producteurs de grands crus n'ont jamais eu de moyens techniques et financiers aussi importants que de nos jours. De plus, le savoir-faire pour cultiver et vinifier au mieux un millésime très chaud et sec n'a jamais été aussi savant et aussi affuté qu'aujourd'hui. En ce sens, 2022 doit beaucoup à la canicule de 2003 qui a permis aux producteurs et oenologues d'apprendre de leurs erreurs.
 
Sans chercher à classer les millésimes entre eux, nous plaçons 2022 au sommet par son immédiate appétance (le 'sex appeal' comme disait Robert Parker). Les Bordeaux 2022 sont extraordinairement intenses, riches (en tout : matière colorante, extrait sec, tanins, alcool) et concentrés, mais avec un gras et une suavité qui procurent spontanément une sensation de plénitude sans égal.
 
C'est cette sensation hédoniste que nous n'avons plus rencontrée à Bordeaux depuis le millésime 1982 et qui fait de 2022 un millésime de référence pour le bordelais.
 

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Petits crus dans les grands millésimes... ou grands crus dans les petits millésimes.
L'adage est bien connu et tout amateur a eu maintes fois l'occasion de le vérifier.

Vu l'exceptionnelle qualité d'ensemble du millésime 2022, nous nous attendions à découvrir des merveilles à tous niveaux de la hiérarchie bordelaise. Mais nous ne pensions pas que les réussites seraient aussi nombreuses et aussi générales, y compris dans des vignobles a priori moins réputés.
 
Il est vrai que dans les grands millésimes, ceux où les séquences météo s'enchaînent idéalement, l'avantage que procure un grand terroir (meilleure maturité, meilleur état sanitaire) est moins manifeste.
 
Pour preuve en 2022 où les parcelles peu qualitatives (orientées nord ou à l'ombre d'une forêt, en bas de pente ou sur un sol argilo-marneux peu drainant...) ont produit des raisins magnifiques entrant pour la première fois dans l'assemblage du grand vin. Comme par exemple à Cheval Blanc qui ne produit pas son second vin (Le Petit Cheval) en 2022, la totalité de la récolte étant retenue pour le Grand Vin.
 
Ce lissage des terroirs se retrouve dans le jugement des critiques où les premiers grands crus classés (sauf Cheval-Blanc) ne caracolent pas en tête comme habituellement et se retrouvent dans le peloton des meilleurs en compagnie d'autres crus classés moins huppés.
 
En 2022, les seconds vins, crus bourgeois et crus d'appellations satellites (vins de Côtes, Moulis, Haut-Médoc, Fronsac, Lalande de Pomerol, etc.) nous ont très souvent enchantés et parfois même éblouis par leur profondeur de chair et la douceur de leurs tanins pourtant bien présents.
 
Si vous souhaitez remplir votre cave de Bordeaux charnus, généreux et diablement séduisants, les 'petits' 2022 sont faits pour vous ! Sans vous ruiner car leurs prix sont restés majoritairement stables et sans vous demander une longue patience car ils vous régaleront aussi bien jeunes que plus âgés (comme ce fut le cas pour les 1982).
 
Nous ne sommes pas les seuls à être tombés sous le charme de ces " 2022 premiers prix", les critiques les ayant également gratifiés de notes exceptionnellement élevées. Voici un florilège des meilleures notes obtenues par les crus de notre sélection, tous plus recommandables les uns que les autres :
 
• en rive gauche
- La Revue du Vin de France :
  - Haut-Marbuzet et Phélan-Ségur (95/100),
  - Siran (94,5/100),
  - Chasse-Spleen, Ormes de Pez, Pibran et Poujeaux (93,5/100)
- Bettane :
  - Haut-Marbuzet et Phélan-Ségur (95/100),
  - Les Griffons de Pichon-Baron, Marquis de Calon-Ségur et Sociando-Mallet (93,5/100)
- Quarin :
  - Larrivet Haut-Brion (95/100),
  - Clos Manou, Haut-Marbuzet, Les Griffons de Pichon-Baron et Sociando-Mallet (94/100)
- Galloni :
  - Siran (94/100),
  - La Croix Ducru-Beaucaillou, Larrivet Haut-Brion, Les Griffons de Pichon-Baron et Pagodes de Cos (93/100)
- Martin :
  - Phélan-Ségur (96/100),
  - Gloria (95/100),
  - Haut-Marbuzet, La Croix Ducru-Beaucaillou et Les Griffons de Pichon-Baron (94/100)
 
• en rive droite
- La Revue du Vin de France :
  - Moulin Saint-Georges (94/100),
  - Domaine de l'A, d'Aiguilhe et Mazeyres (93,5/100)
- Bettane :
  - Barde-Haut (94,5/100),
  - Haut-Carles (94/100),
  - Domaine de l'AAlcée et La Dauphine (93,5/100)
- Quarin :
  - Barde-Haut et Montlandrie (95/100),
  - Dalem et Moulin Saint-Georges (94/100),
  - La Mauriane, Les Cruzelles et Moulin Haut-Laroque (93/100)
- Galloni :
  - Barde-Haut et Clos Puy Arnaud (95/100),
  - Fombrauge et Poesia (94/100),
  - Domaine de l'A, La Petite Église, Les Cruzelles, Montlandrie et Virginie de Valandraud (93/100)
- Martin :
  - Barde-Haut et Poesia (94/100),
  - Alcée, Côte de Baleau, La Petite Église et Les Cruzelles (93/100)
 
Derrière la grande diversité de crus dans ces deux listes, nous voyons à la fois l'universalité de la grandeur du millésime 2022 sur toutes les appellations girondines ainsi que le talent des équipes qui ont su en tirer le meilleur parti.
 

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Lettre du 3 juin 2023.

Le Top du Top
En cliquant sur un cru, vous voyez apparaître la note et un extrait du commentaire des 6 critiques dont nous vous faisons régulièrement part et qui ont maintenant livré leur verdict sur les Bordeaux 2022 :
 
- La Revue du Vin de France (larvf.com)
- Michel Bettane (mybettanedesseauve.fr)
- Jacques Dupont (lepoint.fr/vin/)
- Jean-Marc Quarin (quarin.com)
- Antonio Galloni (vinous.com)
- Neal Martin (vinous.com)
 
En reprenant le podium de chacun, c'est-à-dire leurs 2 ou 3 meilleures notes couvrant à peu près une douzaine de crus, nous avons établi la liste "Top du Top" (onglet en haut de cette page) ou le meilleur du millésime 2022.
 
Deux crus font même l'unanimité cette année en étant simultanément présents sur le podium de chaque critique :
 
• Cheval Blanc sur les 6 podiums. Malheureusement déjà épuisé chez nous (nous l'avions proposé il y a 3 semaines).
 
Léoville Las Cases sur seulement 5 podiums car Jacques Dupont n'a pas dégusté (?) les 2022 des propriétés Delon. Il sera proposé courant juin, à un prix qui risque d'être à la hauteur de sa performance...
 
Pour les vins blancs, aucun sec mais un liquoreux l'emporte à l'applaudimètre des dégustateurs : Suduiraut.
 

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Dominio de Pingus

Peter Sisseck vient de proposer ses 3 vins de Ribera del Duero 2022 : P.S.I., Flor de Pingus, Pingus.
 
Au cœur de l'Espagne (Valladolid), la météo de l'été 2022 fut, pour résumer, semblable à celle connue à Bordeaux : trois mois chauds à très chauds, secs à très secs (sécheresse débutée en 2021 et qui dure jusqu'à présent).
 
Convaincu que l'on ne peut élaborer des vins de qualité qu'avec des raisins de qualité, Peter Sisseck s'est attaché tout au long de la phase culturale à limiter les risques inhérents à un stress hydrique prononcé (blocages de maturité, acidités trop faibles, tanins trop durs) :
 
- en se félicitant une fois de plus de disposer de très vieilles vignes, âgées de 40 ans minimum pour PSI jusqu'à 100 ans pour Pingus, qui plus est conduites en biodynamie,
- en évitant toutes les pratiques, tel le rognage, qui incitent la vigne à développer sa surface foliaire et donc son évapo-transpiration.
- en vendangeant rapidement dès que la maturité phénolique a été atteinte. Ainsi, les vendanges pour l'ensemble de ses vignobles ont eu lieu du 7 au 19 septembre 2022. Au 19 septembre, moins de 10% des producteurs de Ribera avaient alors commencé leurs vendanges...
 
Les vinifications ne posèrent aucun problème par la méthode douce et naturelle qui est la marque de Peter Sisseck : très peu d'extraction (seulement 1/3 des remontages habituels) et fermentation à basse température (23°C).
 
Au final, ses vins ont, comme en 2021, un éclat aromatique frais, aussi floral (pivoine) que fruité (framboise), une parfaite précision des saveurs (aucune mollesse) et des tanins de velours qui les rendent immédiatement délicieux. Ceci avec des taux d'alcool remarquablement contenus entre 13,8° et 14,3°.
 
Il est paradoxal que ce soit un danois (Peter Sisseck) qui, via l'association P.S.I., apprenne aux viticulteurs espagnols comment s'adapter au mieux aux étés caniculaires et secs. Vive l'Europe viticole !
 

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Lettre du 27 mai 2023.

Michel et Bastien Tardieu viennent de proposer l'ensemble de leurs 2022. Fidèles à leur tradition de ne produire que des cuvées d'excellence et à s'abstenir quand les circonstances ne s'y prêtent pas, 2022 marque le retour de leur fameux Cornas Vieilles Vignes (non produit en 2021) mais aussi l'absence de leur Châteauneuf du Pape Vieilles Vignes rouge (non produit en 2022).
 
Météo Rhône 2022. À l'image de Bordeaux (et comme partout ailleurs en France), le Rhône a connu en 2022 un été supérieurement chaud, doublé d'une sécheresse historique.
L'amplitude de la chaleur et l'intensité de la sécheresse ont été graduellement de moins en moins impactant en remontant vers le nord de la vallée du Rhône, avec des situations géographiquement contrastées, parfois au km près, du fait du caractère orageux des précipitations.
Si les orages ont apporté une eau bienvenue, ils ont également donné lieu à des épisodes localisés de grêle entrainant des pertes récoltes significatives comme en Vaucluse les 5, 23 et 24 juin.
 
Rhône septentrional. Les blancs sont riches et soutenus par de belles acidités insoupçonnées, avec des arômes de fruits frais (framboise) et non confits, donnant nullement l'impression de provenir d'un millésime si solaire.
Pour les rouges, 2022 est assurément un millésime remarquable, avec des syrahs à petits grains (rendements faibles) parfaitement sains et mûrs, donnant des vins charnus, voluptueux et profonds. La comparaison avec le grand millésime 2020 vient à l'esprit, les 2022 semblant à ce stade plus raffiné et 2020 plus costaud. Une fois de plus, le Rhône nord s'est comporté à l'identique de la Bourgogne (où est également annoncé un grandissime millésime 2022).
 
Rhône méridional. Les résultats sont plus inégaux dans le sud, selon la capacité de rétention hydrique du sous-sol, l'orage survenu au bon moment ou non, les divers encépagements et en premier lieu l'âge des vignes.
Comme à Bordeaux, nous avons retrouvé en Rhône une parfaite corrélation entre l'âge des vignes (donc la profondeur de l'enracinement et la régularité de l'alimentation en eau de la plante) et le niveau de réussite (sans stress hydrique prolongé provoquant des blocages de maturité.
Pour mémoire, nous ne sélectionnons chez Tardieu-Laurent que les cuvées Vieilles Vignes provenant de vignobles a minima âgés de 40 ans. Les cuvées non siglées Vieilles Vignes ont pour autant des vignes d'âge canonique : 50 ans pour le Bandol, 60 ans pour l'Hermitage rouge, 70 ans pour le Côtes du Rhône cuvée Spéciale, 100 ans pour le Châteauneuf du Pape cuvée Spéciale...
Côté cépages, seuls les grenaches et mourvèdres ont été dans le sud vraiment à leur aise en 2022, et non les syrahs (maturité contrariée voire bloquée) et carignans (arômes foxés).
Tardieu-Laurent a élaboré des rouges 2022 basés sur le grenache, mettant en avant la profondeur de chair et évitant des charges tanniques trop accrocheuses. Sur chaque appellation, ses vins sont séducteurs, suaves et juteux, et seront de garde moyenne. En cela, ses 2022 rappellent ses 2015.
 
Provence. Situé en bordure immédiate de la Méditerrannée, Bandol a échappé à la sécheresse 2022 avec la brise marine nocturne apportant une humidité aérienne suffisante  pour rafraîchir les mourvèdres. 2022 est un grand millésime à Bandol (un de plus après 2021, 2020...) donc de longue garde (la ressemblance des grands mourvèdres et des cabernets-sauvignons au vieillissement est saisissante).
 
Les prix. Malgré les diminutions quantitatives dues globalement à la sécheresse et localement aux orages de grêle, les vignerons de la Vallée du Rhône restent toujours aussi sages et pragmatiques avec des augmentations (2022 par rapport à 2021) de :
+  7,6% pour les vins blancs
+13,5% pour les vins rouges du Rhône nord
+  9,9% pour les vins rouges du Rhône sud + Bandol
 

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Lettre du 20 mai 2023.

Parlons prix !

L'exceptionnelle qualité du millésime 2022 assortie de rendements en baisse (jusqu'à -30% en rive gauche), plus l'enthousiasme affiché par les critiques lors de leurs dégustations à Bordeaux en avril, le tout sur fond inflationniste ambiant (tous secteurs d'activité confondus), laissaient craindre un emballement généralisé des prix bordelais.
 
3 semaines après le démarrage des Primeurs 2022 et alors que nous avons maintenant des sorties couvrant toutes appellations (sauf Pomerol) et tous niveaux hiérarchiques, nous constatons qu'il n'en est rien et que la hausse des prix reste raisonnable.
 
En comparant les prix des 2022 avec ceux de 2020, précédent millésime de qualité exceptionnelle, et en prenant en compte un taux d'inflation entre-temps de +10,4% (INSEE de mars 2021 à mars 2023), l'augmentation des prix est à ce jour en moyenne de +3,80% en euros constants sur 2 ans (+14,6% en euros courants).
 
S'agissant d'une moyenne globale, ce chiffre ne reflète pas la réalité contrastée de chaque cru, avec aux deux extrémités de l'échelle :
 
• les crus les plus raisonnables (ceux dont l'augmentation de prix est inférieure à l'inflation et qui ont par conséquent baissé en euros constants) :
  -  1% : Larrivet Haut-Brion rouge, Duhart-Milon, La Vieille Cure
  -  2% : Clos Manou, Puyguéraud, Clos Puy Arnaud
  -  3% : Coutet, La Mauriane, Haut-Carles, Clos Louie
  -  4% : Léoville-Barton
  -  5% : Lousteauneuf, Petit Manou, Madame de Beaucaillou
  -  7% : Fombrauge
  -  9% : La Tour Carnet
  -10% : La Dominique
Nous avons regroupé ces 17 crus sous l'onglet qualité/prix 2022 car leurs efforts tarifaires cette année méritent d'être salués.
 
les crus les plus ambitieux (ceux qui ont augmenté en 2 ans de plus de 10% en euros constants) :
  + 12% : Couhins blanc, Clos Saint-Julien
  + 13% : Poesia
  + 14% : Barde Haut
  + 16% : Doisy-Daëne, Haut-Bergey rouge
  + 23% : Larrivet Haut-Brion blanc
  + 24% : Carillon d'Angélus
  + 26% : Angélus
 
Pour les autres, c'est-à-dire le milieu du peloton avec près des 2/3 de la soixantaine de crus proposés, les prix augmentent mais dans une progression contenue (entre 1% et 10% sur 2 ans en euros constants) que l'on peut qualifier de sage et logique eu égard à la qualité du millésime 2022 et aux circonstances économiques actuelles.

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C'est à la fin du bal... qu'on paye les musiciens.

Le prix légitime d'un 2022 peut être déterminé en reprenant le prix atteint par le millésime 2020, relevé de +10% pour couvrir l'inflation de ces 2 dernières années et augmenté de +5% à +10% pour refléter la hausse qualitative des 2022 par rapport aux 2020.
 
Cette campagne primeur n'en est qu'à ses débuts (on peut estimer à un quart le nombre de crus ayant mis en vente leur 2022) et nous voyons que la quasi totalité des crus sortis a suivi ce raisonnement (y compris Ch. Cheval Blanc).
 
Les prochaines semaines nous diront si ces bonnes résolutions tarifaires seront adoptées par les crus à venir, parmi lesquels les plus grands noms bordelais, ou si, la hausse appelant la hausse, un effet d'entrainement emmène les prix des 2022 vers des sommets "exploratoires".
Nous reviendrons vers vous d'ici un mois pour commenter ces évolutions tarifaires.

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Lettre du 13 mai 2023.

La critique est aisée (surtout en 2022)

Les notes des critiques sur ce millésime 2022 commencent à paraître et, comme attendu, les commentaires sont a minima élogieux quand ils ne sont pas carrément dithyrambiques.
 
Même Jacques Dupont (Le Point), connu pour son franc-parler, a écrit en avril dernier au sujet des Bordeaux 2022 : « Comme d’habitude, on nous annonçait de grands vins. Parfois c’était vrai ; d'autres fois, non. Là, c’est plus que la vérité : un millésime remarquable ! »
 
Sur notre site, en regard de chaque cru, vous retrouverez les avis des 6 critiques que nous estimons parmi les plus fiables et les plus pertinents en la matière :

- Jacques Dupont, Le Point
- La Revue du Vin de France
- Jean-Marc Quarin (quarin.com)
- Antonio Galloni (vinous.com)
- Neal Martin (vinous.com)

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Les coups de cœur d'Antonio Galloni

Cette semaine, nous avons reçu le verdict d'Antonio Galloni, dégustateur américain. Lui aussi a succombé au charme des Bordeaux 2022 (« les Bordeaux jeunes les plus mémorables que j'aie jamais dégustés ») et distribué une avalanche de notes mirifiques (44 crus ont une note supérieure à 95/100).
 
Mais il a également donné une liste de 20 coups de cœur, pas forcément parmi les plus grands noms bordelais, ces crus qui, pour lui, « ont en 2022 ce petit quelque chose en plus qui les rend spéciaux ». Les voici (par ordre alphabétique) :
 
Alter Ego. « Le Grand Vin Palmer capte généralement l'attention, mais j'ai trouvé Alter Ego particulièrement charmant cette année ». Si son prix est cohérent, nous vous le proposerons.
 
Beauséjour-Bécot. « Un exemple de vin qui pourrait être le meilleur de la propriété ». Nous souhaitons vous le proposer cette année.
 
Brane-Cantenac. « Henri Lurton et son équipe nous offrent un spectacle fabuleux ». 100% d'accord.
 
Clos Puy Arnaud. « Une fois de plus, le Clos Puy Arnaud défie des vins d'appellations bien plus prestigieuses. Superbe ». Sorti en primeur cette semaine.
 
Clos Saint-Julien. « Un petit bijou à Saint-Émilion et un 2022 mémorable ». Et une propriétaire admirable : Mme Catherine Papon-Nouvel.
 
Figeac. « Figeac frappe depuis un certain temps à la porte des vins de Bordeaux les plus éminents. Le 2022 est vraiment magnifique ». Nous redoutons un prix en rapport...
 
Forts de Latour. « Bien qu'il ne soit pas vendu en primeur, Forts de Latour mérite d'être mentionné car il est formidable ». Rendez-vous dans 6-8 ans.
 
Giscours. « Encore une très bonne performance de l'une des étoiles montantes de Bordeaux ». Nous confirmons la pleine forme de Giscours depuis 2020, et sa très belle réussite en 2022.
 
La Conseillante. « Tout est en place à La Conseillante en 2022. Superbe ». Une fois de plus, merci à sa talenteuse Maîtresse de chai Marielle Cazaux.
 
La Gaffelière. « Le 2022 pourrait être le meilleur La Gaffelière des temps modernes. Inoubliable ». Avec Stéphane Derenoncourt comme consultant, La Gaffelière fait depuis 2015 des vins inoubliables.
 
Lafon-Rochet. « L'un des joyaux méconnus de Bordeaux est fabuleux en 2022 ». Racheté en 2021 par M.Lorenzetti (Pédesclaux, Issan, Lilian Ladouys), Lafon-Rochet fait son grand retour dès 2022 sur le devant de la scène bordelaise, et assurément dans nos sélections.
 
Larcis Ducasse. « Une merveilleuse performance pour ce qui pourrait être la propriété la plus méconnue de Bordeaux ». Avec Stéphane Derenoncourt et Nicolas Thienpont comme consultants, Larcis Ducasse brille depuis au moins une décennie.
 
Léoville-Las Cases. « Un Las Cases épique. Il n'y a rien à ajouter ». Un Las Cases 2022 dans les pas de son 1982.
 
Le Pin Beausoleil. « Un excellent 2022 qui ne coûtera pas les yeux de la tête. J'ai adoré ». Le Pin Beausoleil n'est pas proposé en primeur mais régulièrement dans nos catalogues après mise en bouteille. Rendez-vous dans 2 ans.
 
Les Carmes Haut-Brion. « J'ai hâte de déguster le 2022 à côté du 2020 pendant de nombreuses années. Un vin extraordinaire ». Nous confirmons la formidable réussite de ce cru en 2022, traversé par une rivière (Le Peugue au milieu de laquelle son nouveau chai a été bâti). On n'a pas trouvé mieux pour résister à la sécheresse.
 
Malartic-Lagravière. « L'un des meilleurs jeunes millésimes que je me souvienne avoir goûté ». Pour un prix à venir certainement parmi les plus raisonnables du millésime.
 
Moulin Saint-Georges. « Un joyau magnifique et abordable de la famille Vauthier (Ausone, La Clotte...) ». Sorti en primeur cette semaine.
 
Pichon-Longueville Comtesse de Lalande. « Tout en classe et en finesse en 2022. Un chef-d'oeuvre ». Chacun dans son style, les deux Pichon (Comtesse et Baron) nous ont éblouis en 2022.
 
Puyblanquet. « Le côté sublime et délicat de Saint-Émilion ». Propriété acquise en 2020 par la famille Malet-Roquefort (La Gaffelière), que nous n'avons pas encore sélectionné mais que nous surveillons de près...
 
Quinault-L'Enclos. « Peut-être le meilleur Quinault que j'ai goûté ». Mêmes propriétaires et mêmes équipes techniques que Cheval-Blanc, mais Quinault-L'Enclos ne fait pas partie de nos sélections.
 

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Lettre du 5 mai 2023. Informations générales

C'est un grand plaisir pour nous de présenter ce nouveau millésime 2022 qui fera date dans la série des millésimes d'exception. Les conclusions du rapport de la Faculté d'Œnologie de Bordeaux sur le millésime 2022 sont sans équivoque : « De bons vins blancs secs, des liquoreux remarquables de profondeur et des vins rouges hors norme sur les deux rives, concentrés mais étonnamment harmonieux ».

2022 aura pourtant donné beaucoup de sueur, au propre pour les viticulteurs dans les vignes surchauffées durant l'été comme au figuré pour les maîtres de chai en charge des vinifications à l'automne. Pour résumer, 2022 est un millésime inespéré, né sous une météo extrême donnant au final des vins extrêmement bons.

Dans un premier temps, nous décrivons ici la genèse du millésime 2022 et vous livrons nos premières considérations générales après 6 mois d'élevage.

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Bordeaux 2022 : la météo en Gironde

Le fait principal de 2022 est une sécheresse récurrente, qui n'a cessé de s'accentuer tout au long de l'année. En prenant en période de référence les 10 premiers mois de l'année (de janvier à octobre) :

• 2022 est l'année la plus sèche depuis 2011,

• tous les mois sont déficitaires en précipitations à l'exception de juin, seul mois excédentaire (ce qui, à l'entrée de l'été, fut une chance),

• au total des 10 mois, il a plu 433 mm à Bordeaux, soit un manque de 40% d'eau par rapport à la moyenne trentenaire (728 mm).

Cette sécheresse a été accompagnée par une chaleur historique durant tout l'été, largement supérieure à la moyenne trentenaire : mai = +4,3°C, juin = +3,0°C, juillet = +4,1°C, août =+4,7°C, septembre = +1,8°C.

L'été météorologique 2022 (juin+juillet+août) est le plus chaud jamais observé à Bordeaux avec une moyenne de 30,1°C, devant 2003 (29,5°C), 2018 (28,3°C), 2015 (28,1°C), 2019 (28,0°C) et 2017 (27,2°C).

Fort heureusement, au lieu d'être concentrée sur une courte période, la chaleur fut assez bien répartie sur les 4 mois de l'été. On dénombre en 2022 20 jours de canicule (température diurne supérieure à 35°C) : 4 jours en juin, 8 jours en juillet, 7 jours en août, 1 jour en septembre.

Hormis la sécheresse et la chaleur estivales, l'autre phénomène météorologique d'ampleur aura été l'orage de grêle du 20 juin, d'une rare violence et d'une extension inouïe avec plus de 10 000 ha de vignes touchées :
- le nord Médoc à Saint-Estèphe (Calon-Ségur, Phélan-Ségur, Meyney...) et Saint-Seurin de Cadourne (Sociando-Mallet...),
- le sud Médoc proche de Bordeaux (La Lagune, Agassac...),
- les Côtes de Blaye, les Côtes de Bourg et le Fronsadais par endroit.

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Bordeaux 2022 blancs secs : savoureux et expressifs

Les conditions idéales pour des vins blancs secs de qualité étant un été relativement frais doublé d'un ensoleillement modéré, les vignerons eurent très tôt conscience du risque de produire en 2022 des blancs mous et lourds.

Afin de préserver l'acidité des jus, limiter la concentration en sucres et conserver des peaux croquantes, les vendanges des blancs ont été historiquement précoces : à partir du 9 août (en sud Gironde) pour les sauvignons et dès le 13 août pour les sémillons.

Les terroirs les plus frais et humides (bas de pente, sous-sols marneux ou argileux), traditionnellement plantés en cépages blancs, ont permis d'obtenir des blancs secs d'une qualité inattendue, et dans des volumes finalement acceptables même s'ils sont en baisse (-10%) par rapport à l'an dernier.

Les sauvignons sont plus fruités (agrumes, ananas) que floraux, sans aucun caractère variétal (le fameux nez de pipi de chat) trahissant la sous-maturité. Les sémillons sont comme toujours gras, amples et intenses, aux arômes d'abricot et de pêche blanche.

Les blancs secs 2022 sont dotés d'un potentiel aromatique élevé, très fruités, concentrés, gras, puissants et richement texturés. Ce ne seront pas des blancs de longue garde mais assurément des blancs séducteurs, savoureux et supérieurement expressifs pendant leurs 8-10 premières années.

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Bordeaux 2022 blancs liquoreux : soit convenables, soit exceptionnels

Fin août, les raisins destinés à l'élaboration des blancs liquoreux étaient parfaitement sains et mûrs, prêts à être botrytisés, ce que n'ont pas permis les belles journées chaudes et ensoleillées de septembre. Il fallut attendre le 26 septembre pour voir apparaître les premières pluies, suivies d'autres par intermittence jusqu'à la mi-octobre.

Si l'humidité régulière fut favorable à l'apparition puis à la généralisation du botrytis, elle empêcha la concentration des baies. Craignant de perdre l'ensemble de leur récolte à trop attendre (on connait les difficultés économiques du Sauternais), nombre de châteaux ont vendangé fin septembre des raisins simplement passerillés ou début octobre des raisins imparfaitement botrytisés et produit des vins d'intensité aromatique modérée sur des corps à demi liquoreux.

Ceux qui ont pris le risque de laisser passer la période pluvieuse de la première quinzaine d'octobre se sont vus récompensés du 20 au 29 octobre par 10 jours sans pluie, chauds (entre 22°C et 27°C) et venteux (secteur est). C'était la fenêtre idéale, parachevant la botrytisation et assurant simultanément une concentration fulgurante des sucres comme des arômes.

En aparté, ce n'est pas un hasard si ce sont les plus grands crus, ceux adossés à de grands groupes (Yquem à LVMH, Rieussec à Lafite-Rothschild, Suduiraut à l'assureur AXA, Lafaurie-Peyraguey à Lalique, Clos Haut-Peyraguey à Magrez, etc., etc.) où la rentabilité économique immédiate est moins vitale, qui ont pu tenter ce pari finalement plus que gagnant.

Les équipes de ces propriétés se hâtèrent d'effectuer des tries successives pour récolter des raisins magnifiques, peu acides mais d'une pureté et d'une densité exceptionnelles. Côté rendement, la récolte 2022, de 7 hl/ha à 15 hl/ha selon les crus, est jugée relativement satisfaisante tant il est vrai que les derniers millésimes ont été peu productifs.

À la dégustation, 2022 nous rappelle les grands millésimes du siècle dernier (1989, 1975, 1967...), avec des vins d'une richesse inouïe équilibrée par une qualité aromatique formidablement intense. Une chose est sûre, ils défieront le temps et, si le bouchon s'y prête, survivront à ce siècle. A contrario, si vous appréciez les liquoreux plus aériens et délicats, finement botrytisés, nous vous recommandons de vous tourner vers les millésimes précédents, tels 2020, 2016, 2014...

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Bordeaux 2022 rouges : exceptionnels du fait de la météo...

Avec un été marqué par une chaleur historique, la maturité des raisins, peaux et pépins compris, n'a jamais été source d'inquiétude. De même, la sécheresse tout autant historique a en permanence garanti un état sanitaire des vignes absolument irréprochable.

En conséquence, chaque propriété put choisir à sa meilleure convenance les dates optimales de vendanges : du 5 au 16 septembre pour les merlots, du 19 septembre au 7 octobre pour les cabernets, et récolter sans stress des raisins en tous points remarquables.

Alors que les châteaux redoutaient une très faible récolte en raison de la sécheresse, les volumes produits s'avèrent pratiquement conformes à une année normale en rive droite et en baisse de l'ordre de 30% en rive gauche. À l'exception des châteaux impactés par l'orage de grêle du 20 juin (cf. ci-dessus) et qui ont récolté à peine une demi-récolte (voire un dixième de récolte).

Beaucoup de crus ont, du fait de la grande qualité du millésime, reporté leur baisse de volume sur le second vin pour produire une quantité habituelle en grand vin. Comme à Cheval Blanc qui a décidé de ne pas produire de Petit Cheval en 2022, la totalité de la récolte étant jugée apte à rentrer dans le grand vin.

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Bordeaux 2022 rouges : ... et glorieux du fait des hommes.

Compte tenu de la météo spéciale de 2022, les œnologues s'attendaient à retrouver des caractéristiques connues dans les récents millésimes chauds et secs (2020, 2019, 2018...) mais assorties d'un lot de surprises :

• attendu : les baies sont de taille réduite, comparable à celle de 2010 pour les merlots, à celle de 2020 pour les cabernets sauvignon,

• inattendu : le cycle de maturité des baies n'a pas été accéléré par les fortes chaleurs, le délai souhaité de 120 jours entre la mi-floraison (23 mai) et les vendanges a été respecté en 2022.

• attendu : les acidités sont les plus basses de la décennie, pour les merlots comme pour les cabernets sauvignon.

• inattendu : les teneurs en sucres sont très élevées mais ne battent pas de records. Les merlots de 2022 sont légèrement moins riches qu'en 2019, les cabernets sauvignon de 2022 aussi riches qu'en 2020, 2019 ou 2018.

Dès le mois d'août, les équipes techniques savaient qu'elles tenaient un millésime inédit, capable du meilleur comme du pire. Fortes de l'expérience acquise avec la succession de millésimes chauds et secs depuis 2003, elles connaissaient les deux principaux pièges à éviter :

• pour les chefs de culture : déterminer la bonne date de vendanges afin de ramasser des raisins aux arômes de fruits frais et ne surtout pas rechercher une sur-maturité synonyme de raisins flétris et d'arômes cuits (pruneau, figue sèche, moka, pain d'épices...).

• pour les maîtres de chai : les raisins étant d'une concentration exceptionnelle en anthocyanes, tanins et extrait sec, pratiquer des vinifications en douceur (peu de pigeages et remontages), plus en infusion qu'en extraction, afin de ne pas durcir les vins avec des charges tanniques massives et robustes.

Grands crus ou 'petits' châteaux, la dégustation des Bordeaux rouges 2022 en cours d'élevage est incroyable. Ces vins ont tout en profusion : matière colorante, puissance aromatique, densité tannique, longueur en bouche. Pourtant, tous ces constituants s'agencent magnifiquement dans une harmonie suave et voluptueuse, que rien ne vient heurter malgré des concentrations sommitales.

Tous les critiques, français et étrangers, venus découvrir les 2022 à Bordeaux ce mois d'avril sont aussi enthousiastes que nous et nous sommes sûrs que les louanges et les 100/100 vont pleuvoir sur ce futur millésime de légende. Parmi les commentaires déjà parus, nous avons noté celui du 7 avril de M. Quarin (quarin.com) : « C'est factuel et unique : 80 % des vins [Bordeaux 2022] que je goûte sont les meilleurs jamais faits ».

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Bordeaux 2022 rouges : à quel millésime les comparer ?

Tout au long de nos dégustations, nous avons eu l'impression de retrouver avec les 2022 les mêmes sensations que celles procurées à l'époque par le millésime 1982. Il nous semble qu'aucun autre millésime n'a aussi bien réussi cette association magique de puissance et de suavité, de concentration et de douceur. 

Les très basses acidités de ces 2 millésimes sont une des raisons de cette ressemblance, même si les connaissances, le savoir-faire et le matériel n'ont plus rien à voir 40 ans après. Pour autant, la densité et la (sur-)puissance des 2022 nous permettent d'être confiants sur leur longévité. Concrètement et comme pour les 1982, les Bordeaux 2022 seront toujours bons : jeunes, moins jeunes, vieux et plus vieux encore.

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Bordeaux 2022 rouges : quels sont les meilleurs vins ?

Rive gauche ou rive droite ?

Les circonstances climatiques étant homogènes sur toute la Gironde, les deux rives sont à égalité, ce que reflète le résultat de nos dégustations. Plus que l'appellation, c'est le terroir et sa capacité de régulation de l'alimentation hydrique qui a fait la différence. Ainsi, il était préférable d'avoir ses vignes sur un sous-sol calcaire, argilo-calcaire ou argilo-graveleux que sableux et drainants comme sur la couronne périphérique de Pomerol ou par endroit du nord au sud du Médoc.

Merlot ou cabernets ?

Tous les cépages ont connu des réussites équivalentes, que ce soit les cabernets sauvignon du Médoc et des Graves ou les merlots et cabernets francs du Libournais. Par contre, l'âge des vignes a fortement influé sur la qualité des raisins : en 2022, il était primordial de disposer de vieilles vignes, minimum 20 ans, bien enracinées et capables de puiser l'eau en profondeur (en Gironde, les nappes phréatiques ne sont jamais loin). Celles-ci ont profité du millésime tandis que les jeunes vignes, avec des systèmes racinaires peu développés), en ont pâti.

Petits châteaux ou grands crus ?

En 2022, les réussites sont légion et à tous niveaux. Le profil du millésime 2022 a diminué les écarts qualitatifs entre les terroirs et les crus, des vignobles habituellement peu qualitatifs car plus frais ou plus humides ayant produit des vins surprenants. Donc, petits châteaux ou grands crus, choisissez cette année à votre meilleure convenance, ce conseil valant également pour les seconds vins des plus grands crus.

2021 versus 2022 ?

Jamais deux millésimes consécutifs n'ont été aussi diamétralement opposés que 2021 et 2022 :
- 2021 synonyme de fraîcheur, vivacité et élégance,
- 2022 synonyme de maturité, douceur et opulence.

Ces deux millésimes étant simultanément proposés en primeur jusque fin juillet, vous pouvez arbitrer vos choix entre 2021 et 2022 de style (et de prix ?) si différents.

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Bordeaux 2022 rouges : les prix

La mise en marché des 2022 n'ayant pas commencé, le prix des vins n'est pas encore déterminé. Seule la tendance est connue, elle sera à la hausse pour de multiples raisons :

• notes et commentaires enfiévrés comme jamais, plaçant 2022 au-dessus des précédents millésimes,

• quantités produites modiques en rive droite (40 hl/ha) voire faibles en rive gauche (30 hl/ha),

• tensions inflationnistes ambiantes (main d'œuvre, énergie, matières sèches...).

L'ampleur des hausses de prix, certainement disparates d'un cru à l'autre et proportionnelles à la demande internationale, devrait placer 2022 un cran au-dessus de 2018 et 2020. Les prochaines semaines nous diront la hauteur du cran...

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